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VIRGINIE CAVALIER
Chuckwalla
VIRGINIE
CAVALIER
LIENS
2019, performance photographiée. Tirage Epson P20 000 sur Ultra Smooth Hahnemühle 305g 80 × 53,3 cm contrecollée sur dibond.
En collaboration avec les chevaux de trait de Philippe Daunis, cocher au Jardin Massey de Tarbes.
Crédit photo : Virginie Cavalier
Un travail sur la collaboration entre l’homme et l’animal. Sans dominer le cheval, en étant à ses côtés, je me place en situation de difficulté, portant sur mon corps des rennes et harnais. J’accumule suffisamment de ces liens en cuirs pour que leurs poids soient pour moi un fardeau, limitant ainsi mes actions et créant une difficulté manifeste.
Je me place sur un pied d’égalité avec l’animal en portant la charge de ses liens et du fait, en comparaison à lui, de ma faible force physique, je suis en infériorité. En guise d’hommage à cette collaboration je m’incline devant sa force et par ce geste, je montre ce lien entre nos deux espèces qui remonte aux premiers temps de l’humanité. En guise de remerciement à ce partage, où l’homme choie sa bête et la bête apporte son aide à l’homme, je me tiens face à lui comme un miroir qui lui renvois sa grandeur et sa puissance.
Le cheval possède de grandes capacités d’empathie, si bien qu’il est souvent employé (équithérapie) à accompagner des personnes atteintes de maladies psychiques, de troubles du comportement, en difficultés de communication, de socialisation, et amène ses patients là à de réels progrès. Le cheval est le miroir du patient. Le thérapeute, au travers des réactions que manifeste l’animal peut mieux analyser le patient jusque là inhibé.
Le cheval nommé Peyo, qui aurait d’immenses capacités d’empathie, intervient dans des établissements de soins qui ont sollicité son aide, par le biais de son propriétaire et soigneur, notamment dans les unités de soins palliatifs. A en voir les témoignages, ce cheval qui visitait les patients à leur chevet, a pu les guider vers une amélioration de leur santé psychique et physique.
Au fur et à mesure des visites de Peyo, ils retrouvaient le sourire, l’appétit, le sommeil, des souvenirs et à permis de diminuer leurs prises d’anxiolytiques. Le cheval choisit librement ses patients, comme s’il ressentait intuitivement les malades les plus en demande. Il renifle, localise les zones malades et les lèche semblant apporter un soin. Le soutien de Peyo grandit avec la maladie, même si l’issu est sans appel, ils confient leur souffrance à la bienveillance et la force que leur transmet l’animal ce qui rend leur peine plus supportable.
"Parmi les autres réalisations de l’artiste on pourra mentionner une œuvre intitulée « Lien » (2019). Il s’agit de la photographie d’une scène présentant un cheval de trait vu de profil devant lequel l’artiste s’est positionnée dans une attitude telle qu’à peine si on la distingue, courbée qu’elle est sous le poids du harnais et des rennes du cheval (celui-là même sans doute qui sert à l’harnacher). On devine, sur ce document photographique, l’artiste en train de photographier l’animal. Sa position s’explique par le fait qu’elle porte tout le poids du harnachement comme « un fardeau, limitant ainsi mes actions et créant une difficulté manifeste ». Supportant la charge de ces liens, elle se place sur le même pied d’égalité que l’animal. Elle est inclinée devant lui en guise d’hommage et de reconnaissance pour tout ce qu’il représente dans l’histoire de la domestication et du compagnonnage humains. Et elle ajoute ceci : « je me tiens face à lui comme un miroir qui lui renvoie sa grandeur et sa puissance ». D’autres artistes ont tenté des expérimentations ou mis en place des dispositifs visant à fusionner bel et bien avec l’animal. Nous pouvons citer notamment les performances de Marion Laval-Jeantet ou, dans un autre registre, Kate Clark qui s’est concentrée sur la pratique de la taxidermie, ou encore Patricia Piccinini.
Toutes ces démarches et préoccupations qui cherchent à mettre en scène l’empathie et/ou la fusion homme-animal posent la question fondamentale de l’altérité. Pour Yves Bonnefoy, ce concept permet d’expliquer une limitation de la conscience. Ainsi, le rapport à l’Autre est un bon moyen de poursuivre la construction de notre propre image culturelle. « Un moyen politique aussi de revalider des notions minoritaires qui ont été éjectées parfois violemment de notre société. Non pas parce que de l’Autre viendrait la vérité, mais parce que cet Autre fut bien toujours là, et est simplement demeuré le laissé-pour-compte que nous sommes nombreux à incarner aujourd’hui. Un laissé-pour-compte universel. C’est donc un double mouvement d’identification et d’empathie qui nous a fait déborder des frontières et des limites imposées par notre société » (propos cité par Marjan Seyedin dans son étude)."
Joël-Claude MEFFRE, Extrait de LES INSTALLATIONS ANIMALIÈRES DE L’ARTISTE VIRGINIE CAVALIER REMARQUES INTRODUCTIVES, 2021.
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