VIRGINIE CAVALIER
Chuckwalla
VIRGINIE
CAVALIER
DE LÀ OÙ JE NE PEUX T’APERCEVOIR
2025, mues de bois de cerfs, branches fourchues d’essences diverses, dispositif sonore, enceintes monitoring. Dimensions variables.
Vue de l’exposition La place de brame, Omnibus - laboratoire de propositions artistiques contemporaines, Tarbes, 2025
Production Omnibus - laboratoire de propositions artistiques contemporaines
Crédit photo : Virginie Cavalier
De là où je ne peux t’apercevoir entre en résonance avec la photographie La Nuit – Lisière. Toutes deux explorent ce même sentiment de mise à distance, de seuil, d’éloignement.
L’installation sonore et sculpturale est associée à des captations réalisées au début de l’automne 2025, avant les premiers frimas, sur les flancs de la vallée du Bergons, dans les Pyrénées. Dans l’ambiance feutrée de la forêt et du paysage d’altitude, je suis allée à la rencontre du cerf. Au crépuscule, à l’occasion d’affûts sonores, j’ai pu saisir l’appel rauque de l’animal en rut.Ces enregistrements, diffusés dans l’espace d’exposition au moyen de quatre enceintes monitoring, restituent la spatialisation naturelle des appels des cervidés résonnant d’un vallon à l’autre, offrant au public une expérience d’immersion sensorielle.
Les mues de cerf employées dans l’installation, vouées à se régénérer chaque année, sont ici soutenues par des étais de fortune. De cette rencontre entre le végétal et l’animal naît une forme hybride, évoquant les affrontements des cervidés mâles, les entrechoquements de leurs bois, lors de leur période de rut. L’ensemble convoque tour à tour l’image de l’arme, de la lance, de la ronce, métaphores d’un passage ardu, d’un chemin d’accès difficile. Une tentative de maintenir en équilibre ce qui est destiné à tomber, se renouveler, s’éteindre. Cette fragilité évoque, en creux, notre inscription dans l’ère de l’Anthropocène : un monde où le cycle naturel se heurte à nos interventions.
Ce geste de mise à distance agit comme un signal d’alarme : empiéter ou ne pas empiéter sur un territoire qui, pourtant, est celui que nous partageons en tant qu’animal-humain avec les tous les membres du vivant, notre refuge commun. L’installation cherche ainsi à susciter un sentiment d’humilité : face à elle, je me tiens étrangère, maintenue à la lisière de la forêt, dans cet entre-deux où nos regards ne peuvent que parfois s’effleurer.
